Engagée dans la lutte contre l’exploitation illégale des forêts et le commerce qui y est associé, l’UE avait mis en place, dès 2010, une réglementation interdisant l’importation dans l’UE des produits issus d’exploitations forestières illégales (règlement 995/2010, dit « RBUE »). Étaient à l’époque concernés uniquement le bois et les produits dérivés de bois appartenant aux chapitres 44, 47, 48 et 94 de la nomenclature combinée (NC) du système harmonisé de désignation des marchandises (SH).

Le règlement 2023/1115 va plus loin et s’attaque désormais aux produits issus de chaînes d’approvisionnement connues comme étant à l’origine de la déforestation. Sont désormais en ligne de mire les produits qui contiennent/ ont été nourris avec/ ont été fabriqués à partir des «produits de base en cause» que sont les bovins, le cacao, le café, le palmier à huile, le caoutchouc, le soja, le bois et leurs dérivés. Les metteurs sur le marché – importateurs(1), fabricants – et les distributeurs successifs de ces produits devront désormais justifier qu’ils ne sont pas le résultat d’une déforestation et qu’ils ont légalement obtenus dans le pays concerné. Les exportateurs de ces mêmes catégories de produits sont également concernés.

 

Règles applicables à l’import dans l’UE :

A l’instar des diligences déjà prodiguées par les importateurs de bois et de produits dérivés de bois, les opérateurs désireux d’importer les produits concernés par la réglementation « zéro déforestation » devront mettre en place un « système de diligence raisonnée », c’est-à-dire un cadre de procédures et de mesures internes garantissant que les produits qu’ils importent (ingrédients de base, produits intermédiaires, produits finis listés par le règlement) ont été obtenus/cultivés/élevés/fabriqués sur des terres n’ayant pas été déforestées après le 31 décembre 2020 et en toute légalité.

Le « système de diligence raisonnée » consiste, dans un premier temps, à collecter les informations, données et documents retraçant le cycle de vie des produits en cause, en ce compris la géolocalisation des parcelles de terre sur lesquelles ils/ leurs ingrédients de base/ leur aliments ont été cultivés.

Les informations, données et documents ainsi collectés devront, dans un second temps, faire l’objet d’une évaluation des risques suivant les critères définis à l’article 10 du règlement. En fonction des résultats obtenus, des investigations supplémentaires pourront devoir être diligentées suivant les indications reprises à l’article 11 du règlement(2). Les produits obtenus/cultivés/élevés/fabriqués dans des pays bénéficiant d’un classement de risque de déforestation « faible » seront dispensés de la phase d’évaluation des risques (classement des pays à paraitre fin 2024, qui sera régulièrement mis à jour).

Seuls les produits dont l’évaluation révèlerait l’existence d’un risque de non-conformité « nul » ou « négligeable » pourront être importés/ mis sur le marché. Pour les autres, il faudra simplement renoncer au projet.

A l’issue de l’évaluation des risques affichant un résultat satisfaisant, l’opérateur devra procéder à une « déclaration de diligence raisonnée » (DDS pour « Due Diligence Statement ») dans un système dédié à cet effet : TRACES NT. Un numéro de références TRACES NT lui sera attribué et devra être reporté sur la déclaration en douane de mise en libre pratique de produits concernés à réaliser.

A terme, TRACES NT sera interfacé avec le système de dépôt des déclarations en douane (DELTA), permettant aux autorités de contrôle des DDS d’interagir en temps réel avec les autorités douanières en suspendant la mise en libre pratique des produits détectés en amont comme étant à risque.

 

Règles applicables à la mise sur le marché hors import et aux distributions successives des produits sur le marché intérieur :

Les obligations de mise en place d’un « système de diligence raisonnée » et de « déclaration de diligence raisonnée » préalable s’appliquent non seulement à l’import, mais aussi à chaque transformation (ex. : fabrication de chocolat en France à partir du cacao importé) et à chaque revente/ mise à disposition(3) des produits concernés sur le marché intérieur (ex. : distribution du produit fabriqué/ importé en l’état ou après reconditionnement). Les PME pourront être dispensées de ces obligations à conditions de disposer au préalable du numéro de référence de la déclaration de diligence raisonnée (DDS) liée aux produits en cause qui leur aura été fourni par leur fournisseur et de le consigner dans un registre dédié.

 

Règles applicables à l’export :

Les obligations de mise en place d’un « système de diligence raisonnée » et de « déclaration de diligence raisonnée » préalable s’appliquent également à l’export, le numéro de la « déclaration de diligence raisonnée » (DDS) étant à reprendre sur la déclaration en douane d’export.

 

Contrôles et sanctions :

Le contrôle de l’application de la réglementation « zéro déforestation » sera confié aux autorités douanières des États membres, qui agiront de concert avec les autorités compétentes pour connaitre de l’état du risque de déforestation (inspecteurs rattachés au Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires et au Ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire).

Le non-respect du règlement RBUE est actuellement constitutif d’un délit de droit commun puni de deux ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende (article 76 de la loi n°2014-1177 du 13 octobre 2014), mais aussi d’un délit douanier d’importation/ d’exportation de marchandises prohibées passible d’un emprisonnement de cinq ans et d’une peine d’amende (articles 414 et 414-2 du code des douanes).

Ces sanctions vont certainement évoluer car le règlement appelle les États membres à les durcir davantage. Ainsi, pour une personne morale, le montant maximal de l’amende devra être porté à 4 % de son chiffre d’affaires annuel européen, et être majoré, si nécessaire, pour anéantir l’avantage économique retiré de l’infraction.

 

Calendrier d’entrée en vigueur :

Le règlement 2023/1115 entrera en vigueur le 30 décembre 2024 (29 juin 2025 pour les PME) et s’appliquera aux produits fabriqués à partir du 29 juin 2023. Ceci laisse aux opérateurs encore en tout petit peu de temps pour s’organiser en s’équipant d’un système de gestion de la traçabilité de leurs produits/matières premières et en modifiant, si besoin, leurs canaux d’approvisionnement.

 

 

(1) Si l’importateur au sens douanier du terme n’est pas établis dans l’UE, la responsabilité de mise en place du « système de diligence raisonnée » et de dépôt de la « déclaration de diligence raisonnée » incombera à la première personne physique ou morale établie dans l’UE qui mettra ces produits à disposition sur le marché européen.

(2) L’évaluation des risques devra être documentée et réexaminée au moins une fois par an, ainsi qu’à chaque fois que sera découverte une circonstance susceptible d’influencer le résultat de l’évaluation effectuée. Les données d’analyse seront à conserver pendant cinq ans. Un rapport annuel résumant les diligences déployées sera également à mettre en ligne.

(3) Y compris toute distribution gratuite, du moment où elle intervient dans le cadre d’une activité commerciale.