Prorogation du moratoire relatif aux droits de douane sur les transmissions électroniques.

A l’issue de la douzième Conférence ministérielle de l’OMC (CM12), qui s’est tenue du 12 au 15 juin 2022, a été prise la décision de maintenir la pratique consistant à ne pas appliquer les droits de douane aux transmissions électroniques, et ce, au moins « jusqu’à la CM13, qui devrait normalement avoir lieu d’ici au 31 décembre 2023 » (décision ministérielle du 17 juin 2022 – Programme de travail sur le commerce électronique).

L’interdiction d’appliquer les droits de douane aux transmissions électroniques a été adoptée par les Etats membres de l’OMC en 1998 sous forme d’un moratoire dont la prorogation revient en discussion tous les deux ans.

Cette année, le retour de la Conférence était particulièrement attendu, dans la mesure où de nombreux pays, dont l’Inde et l’Afrique du Sud, réclament l’abandon du moratoire.

Le mécontentement de l’Inde et de l’Afrique du Sud par le moratoire est motivé par la croissance de la numérisation de nombreux biens (jeux vidéo, films, musique, livres, etc.) et la disparition progressive des recettes douanières que générait autrefois le commerce de leurs supports matériels (DVD, CD, etc.) (voir la communication de l’Afrique du Sud et de l’Inde à l’OMC).

Ce mécontentement semble être « légitimé » par le constat de la Conférence des Nations-Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) suivant lequel le moratoire a engendré en 2017 une perte de recettes douanières d’environ 1 506 millions de dollars pour les pays membres de l’OMC les moins avancés (WTO LDC (for Least-Developed Countries) members) contre 289 millions de dollars de perte pour les pays membres de l’OMC à revenu élevé (WTO High-Income). Aussi, selon les prévisions de la CNUCED, la tendance observée à la numérisation des échanges ne fera qu’augmenter dans le futur avec notamment la « démocratisation » de l’impression 3D, l’analyse du Big Data, la robotique, l’intelligence artificielle, etc. (growing trade in electronic transmissions : implication for the south – CNUCED).

Force est cependant de rappeler que la perte des recettes douanières est généralement compensée par la croissance des redevances perçues sur les échanges électroniques vus sous le prisme de « services ».

Il convient néanmoins de suivre d’un œil attentif les échanges qui naitront de l’engagement pris le 17 juin dernier par la Conférence ministérielle de « redynamiser les travaux dans le cadre du Programme de travail sur le commerce électronique ».

 

Par Anouck BIERNAUX, avocat, PARADIGMES